Une dizaine d’habitantes de Cavani se sont relayées régulièrement au cours de ces 3 dernières semaines pour bloquer le service des étrangers de la préfecture
Si le blocage de la préfecture avait cessé suite à la première venue de Marie Guévenoux, la ministre déléguée aux outre-mer, à Mayotte, il avait repris de plus belle ces 3 dernières semaines. En effet, malgré les annonces du gouvernement, le flux des arrivées des demandeurs d’asile en provenance du continent africain à Cavani ne tarit pas et, malgré des opérations de relogement régulièrement menées par les associations mandatées à cet effet par le gouvernement, ils seraient encore près de 600 à dormir dehors, dans les rues situées devant le stade de Cavani. Tous ont l’espoir d’être sous peu, à minima logés, et au mieux envoyés en métropole comme une partie de ceux qui squattaient le stade de Cavani avant le mouvement social des Forces Vives.
André Persé, réunionnais installé depuis une 30aine d’années à Mayotte, est un membre actif du collectif des citoyens. Face à cette situation qui traîne en longueur, le collectif des citoyens de Cavani, appartenant à celui, plus large, du Collectif des citoyens 2018, a décidé de réagir il y a 3 semaines et de reprendre le blocage « d’une manière plus dure », selon les mots d’André Persé, membre actif de ce collectif. « J’habite actuellement à M‘tsapéré, mais je me sens très concerné par ce qu’il se passe à Cavani où j’ai résidé longtemps. L’insalubrité que génère cette situation, en pleine épidémie de choléra, n’est supportable pour personne. Ni pour les riverains, ni pour les demandeurs d’asile eux-mêmes qui s’exposent également à de graves maladies. Cette situation est inhumaine pour eux ! », a-t-il déclaré.
400 demandeurs d’asile envoyés en métropole sous deux semaines
« Nous avons sollicité un rendez-vous en urgence avec le préfet qui était en métropole. Il a accepté de rentrer pour nous rencontrer ce jeudi 23 mai », a affirmé André Persé qui estime « qu’être écouté n’est pas suffisant, il faut trouver ensemble des solutions concrètes ». « C’est de pire en pire. Nous avons encore repéré un kwassa qui transportait à son bord une centaine de demandeurs d’asile somaliens. Ils ont accosté mercredi matin sur la plage de M’liha et ont été immédiatement conduit à l’ancien l’hôpital de Dzaoudzi où une zone de quarantaine a été installée », dévoile le membre du collectif des citoyens. « Cette réunion avec le préfet nous a permis de lui demander où en était l’installation du fameux « rideau de fer » promis. Nous lui avons également demandé un bilan du nombre de titres de séjour accordés et renouvelé au cours de ces 2 dernières années ainsi que le nombre de kwassas interceptés. Il a promis de nous livrer ces documents sous 2 semaines », ajoute-il dans un entretien mené par Le Journal de Mayotte.
Malgré les promesses gouvernementales, les kwassas en provenance d’Afrique continentale continuent d’aborder régulièrement les côtes mahoraises
Par ailleurs, le collectif a souhaité faire part à François-Xavier Bieuville d’actions de corruption de la part de certains agents du service d’immigration de la préfecture. « Nous savons que certains agents délivrent de manière frauduleuse des titres de séjour à la seule condition que le demandeur leur montre des tickets de supermarché pour leur prouver qu’ils achètent bien à manger pour leurs enfants, donc qu’ils les prennent en charge. Le préfet nous a demandé des preuves. Nous sommes en train de les réunir et nous allons les lui présenter au cours d’une prochaine rencontre », explique André Persé. Ce dernier révèle aussi qu’un protocole d’accords entre la préfecture et le collectif a été rédigé, mais qu’il doit encore être signé par le préfet ainsi que la police. La réouverture du service des étrangers est conditionnée à cette signature. Par ailleurs, 400 demandeurs d’asile doivent être envoyés en métropole dans les 2 prochaines semaines dont 250 à leur propre frais et non à ceux de l’Etat. « La préfecture est en train de chercher une solution pour les 150 personnes qui ne peuvent pas payer le billet », confie le membre du collectif.
Une réouverture sous conditions
Cela fait près d’un an que le services des étrangers de la préfecture est régulièrement bloqué par des mouvements citoyens. « Même pendant ces trois semaines de blocage « dur », nous n’avons pas bloqué les personnes qui venaient pour des demandes de passeport ou ceux qui avaient un justificatif de rendez-vous. En réalité, on filtre les entrées », explique le représentant du collectif. La réouverture prochaine du service est soumise à certaines conditions figurant normalement dans le fameux protocole d’accord : « Nous avons expliqué au préfet que nous ne voulons plus voir de foule squatter devant la préfecture. Il faut que le service détermine le nombre de dossier par jour que ses agents peuvent traiter et qu’ils ne prennent que le nombre de personnes correspondantes. Les autres, il faut que la police les disperse ». Si, à présent, le problème de l’immigration comorienne semble être moins le sujet de préoccupation du collectif, c’est selon ses dires parce que le flux se serait calmé, remplacé par celui des Africains du continent. Selon André Persé : « Les Comoriens commencent à comprendre qu’ils n’ont pas forcément à gagner à venir à Mayotte ». Le mythe de l’Eldorado mahorais a-t-il été transposé des Comores vers l’Afrique continentale ?
Les demandeurs d’asile les plus complexes à gérer pour la préfecture seraient les somaliens car, selon André Persé, « on ne peut pas les expulser étant donné qu’il n’y a pas de réel état en Somalie pour les récupérer ». En revanche, des accords auraient été trouvés avec les Comores pour que les kwassa en provenance d’Afrique ne puissent plus accoster sur le littoral comorien. Des accords auraient été passés aussi avec la République Démocratique du Congo pour qu’elle récupère ses ressortissants dont la demande d’asile a été refusée. Toutes ces informations sont bien entendu à prendre avec des pincettes puisqu’elles n’ont pas été confirmées par le préfet. Le JDM a sollicité une interview avec lui et est actuellement en attente de sa réponse.
« Je suis à Mayotte depuis l’an 2000. Dès 2002 les Africains du continent ont commencé à arriver à Mayotte. Au fil des années, ils ont été de plus en plus nombreux et nous les Mahorais, nous savions que cela allait poser problème un jour. Nous avons alerté l’Etat à de nombreuses reprises. A chaque fois on nous a dit « oui, oui », mais aucune action concrète n’a été mise en place. Aujourd’hui, il faut que cela change, il en va de la survie de Mayotte ! », conclut André Persé.