Près de 200 réfugiés de l’Afrique des grands lacs dans un bidonville à ciel ouvert 

par | 23 Juin 2023 | International, Société

Depuis le début de l’année 2022, des réfugiés originaires du Congo, du Rwanda ou du Burundi campent devant les locaux de l’association Solidarité Mayotte. Leur nombre ne cesse de croître. Plus d’un tiers d’entre eux auraient d’ailleurs le statut de demandeurs d’asile. Mais faute d’hébergement, ils sont obligés de dormir dans la rue. 


Plus de 190 réfugiés originaires du Congo, du Rwanda, du Burundi ou de Somalie dorment actuellement en pleine rue, dans le quartier Cavani à Mamoudzou. Installés devant les locaux de l’association Solidarité Mayotte – qui accompagne et héberge les demandeurs d’asile et les bénéficiaires de la protection internationale – ils tuent le temps le jour, assis sur des chaises et fauteuils de fortune, et dorment à même le sol la nuit. « Quand il pleut, on ne peut pas se protéger », confie Chadrack *, 35 ans, arrivé du Congo il y a « des semaines. » Le rapport au temps est flou pour l’homme venu par bateau de Tanzanie. « J’étais chauffeur poids-lourd mais la milice me poursuivait. Je devais quitter mon pays », raconte-t-il. Depuis, il a fait une demande d’asile, mais n’a pas encore eu de réponse. 

 

Installés depuis au moins début 2022 

 

Selon Laurent Simonin, directeur territorial de la police nationale à Mayotte, ces réfugiés de l’Afrique des Grands Lacs se seraient installés là depuis déjà plusieurs mois. Au moins depuis le début de l’année 2022. « Ils campent devant les locaux de Solidarité Mayotte dans l’espoir d’avoir un logement », précise-t-il. La plupart seraient des réfugiés politiques, arrivés par kwassas-kwassas, en passant par les Comores, ou directement par bateau de Tanzanie. Mais « leur nationalité est parfois déclarative. Ils n’ont pas toujours de documents sur eux. Certains donnent donc une fausse identité pour avoir plus de chance d’obtenir l’asile politique », souligne le directeur territorial de la police nationale. 

 

Dans le quartier, des matelas en mousse déchiquetés, roulés sur le bas côté, côtoient des sacs en plastique pleins à craquer, des seaux pour la toilette et la vaisselle mais aussi des casseroles et des ustensiles de cuisine. Au bout d’une impasse, quelques femmes s’affairent à laver le linge. A l’opposé, un jeune homme et une femme plus âgée frottent avec énergie les marmites qui serviront à préparer le repas. Dans ce bidonville à ciel ouvert, les scènes de vie s’enchaînent, sous les pleurs d’enfants en bas âge, allongés sur un morceau de mousse déformé. « Au départ, on était peu nombreux. Mais maintenant, les gens qui arrivent n’ont même plus de place », assure Yusuf*, arrivé du Congo il y a 10 mois. Ce jeune homme de 20 ans était lui aussi menacé dans son pays. Et s’il reste vivre dans ces conditions, c’est qu’il n’a « nul part où aller ». 

 

« En avril, ils étaient 170 » 

 

« Leur nombre ne cesse d’augmenter, confirme Gilles Foucaud, directeur adjoint de Solidarité Mayotte. En avril, ils étaient 170. » Selon lui, tous devraient bénéficier d’une assistance. Mais, faute de place dans les hébergements d’urgence et d’insertion, ils restent ici. L’association dispose de 450 places pour les reloger « et elles sont occupées en permanence », assure le directeur. Un dispositif d’hébergement d’urgence, qui compte une quinzaine de places supplémentaires, complète ce parc. Mais les places ne sont pas spécifiquement mises à disposition des demandeurs d’asile. 

 

Parmi les réfugiés qui dorment à la rue, plus d’un tiers auraient d’ailleurs obtenu le statut de demandeur d’asile. Autant de personnes bénéficieraient de la protection internationale et le reste serait nouvellement arrivé. Mais faute d’hébergement, même ceux qui bénéficient de la protection de l’État sont obligés de dormir à la rue. Début juin, les familles, les hommes et les femmes seuls qui y vivent ont d’ailleurs été réveillés en pleine nuit par une bande de jeunes, venus les agresser avec des bâtons. « Ils nous ont frappés alors qu’on dormait, je me suis fait tabasser. J’ai attrapé une chaise pour me défendre », raconte Yusuf. En mars dernier, le jeune homme de 20 ans avait déjà été victime de ce type d’agression, qui reste toutefois « occasionnelle » selon la police. « Il n’y avait pas de motivation raciste, assure Laurent Simonin. La dernière en date a eu lieu après une altercation avec des jeunes réfugiés africains. » En 2022, la police est intervenue deux fois pour évacuer les lieux. Mais faute de solution, les réfugiés d’Afrique sont revenus en nombre. 

 

* Les prénoms ont été modifiés


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