Le département le plus pauvre de France s’enfonce dans une grave crise de l’eau, due à une sécheresse exceptionnelle, aggravée par un manque d’infrastructures et d’investissements, qui contraint le territoire à priver d’eau ses habitants deux jours sur trois depuis début septembre. Des restrictions auxquelles n’échappent pas une bonne partie des acteurs économiques. Le commerce, le transport et l’hébergement, la restauration sont les secteurs où on dénombre le plus d’entreprises, soit une part de 63%. Mais la majorité sont informelles. En 2015, 5 260 entreprises du secteur non agricole et non financier exerçaient dans le secteur informel, soit deux tiers des entreprises marchandes (7 620).
Pour la gérante du restaurant de 40 couverts, le Citron Vert, à Mamoudzou, cette crise, « est une catastrophe. On ne peut pas tenir sans eau, souffle-t-elle. On a investi dans de grosses bassines pour faire des réserves. Mais, même avec ça, ça ne suffit pas », indique celle qui doit fermer ses portes régulièrement et voit sa trésorerie diminuer de jour en jour.
« La restauration est un des secteurs qui souffrent le plus »
Selon Didier Daniel, directeur du développement économique au sein de la CCI de Mayotte, « la restauration est un des secteurs qui souffrent le plus du manque d’eau sur l’île. » Pour identifier les secteurs en difficulté, la CCI a diffusé un questionnaire à tous les acteurs économiques. Plus d’une centaine ont répondu pour le moment. « Environ 10 % des répondants ont cessé une partie ou l’intégralité de leur activité. On ne sait même pas si toutes les entreprises pourront se relever après ça », poursuit le directeur du développement économique.
Pour tenter de sauver leur activité, certains investissent donc dans des cuves. C’est le cas de Florian Amardeilh, gérant du restaurant Le Moana, qui constate, quand même, une baisse d’activité. « Les gens sortent beaucoup moins, le fait de ne pas pouvoir se laver correctement ne les incite pas à aller au restaurant », estime-t-il. La plupart des établissements hôteliers ont également fait le choix d’investir dans des cuves. « Dans tous les hôtels, il y a une citerne, souligne le réceptionniste de l’hôtel Sakouli. Nous fonctionnons normalement. Il y a moins de touristes mais plus de travailleurs, on est complet quasiment quotidiennement. Même la piscine est ouverte. »
« L’activité économique est une priorité essentielle »
De son côté, le BTP, qui consomme 500 m³ d’eau par jour, parvient, lui aussi, à poursuivre les chantiers. Tout comme la laiterie de Mayotte, qui a bénéficié d’un raccordement au « chemin de l’eau », qui dessert en continu l’hôpital, les dispensaires et les établissements scolaires. « L’activité économique est une priorité essentielle », estime Gilles Cantal, le préfet de l’eau.
Pour autant, la préfecture prévenait le 9 octobre, qu’ « au rythme des prélèvements actuels, la vidange complète des retenues collinaires interviendrait à la fin du mois d’octobre. A compter de cette date, le département disposera de moins de la moitié de ses besoins en eau. » Les services de l’État ont donc décidé d’allonger les coupures pour continuer à faire des économies. « Il faut jouer les équilibres. L’objectif est de faire en sorte que le tissu social et économique soit préservé tout en suivant en continu l’état de la ressource », indique Gilles Cantal, le préfet de l’eau. Mais pour les habitants, comme pour les acteurs économiques, l’avenir reste incertain.