L’opération Wuambushu – imaginée en toute discrétion – a rapidement été divulguée par Le Canard Enchaîné. Fin février, le journal satirique annonçait que le ministre de l’Intérieur prévoyait d’envoyer quelque 500 hommes en renfort des 1300 gendarmes et policiers déjà présents à Mayotte, dès la fin du ramadan. Une action en réponse aux annonces faites au mois de janvier. En visite sur l’île pour la nouvelle année, Gérald Darmanin promettait « des actions spectaculaires » dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Pour l’Intérieur, l’objectif était donc de lutter contre la délinquance, de détruire au moins un millier de logements insalubres, et d’expulser en nombre les personnes en situation irrégulière. Alors qu’environ 70 personnes sans-papier ont été éloignées vers les Comores en 2022, le ministère envisageait d’attendre jusqu’à 400 reconduites sur l’île voisine quotidiennement.
Une visite fin juin ou courant juillet
Pour faire le point sur les résultats de l’opération, qui devait durer deux mois à compter du 24 avril, Gérald Darmanin a prévu un nouveau déplacement sur l’île « fin juin ou courant juillet. La date n’a pas encore été arrêtée », précise son conseiller presse.
Mais alors que « Wuambushu » devrait s’achever dans les jours à venir, les objectifs sont loin d’être atteints. Sur le plan des destructions de bidonvilles, seul un quartier de 162 cases en tôles a pour le moment était détruit : celui de Talus 2, à Koungou. Le prochain sur la liste devrait être le quartier Barakani, à Koungou également. Un bidonville d’environ 30 bangas, dont la plupart ont déjà été détruits par les habitants eux-mêmes, notamment pour récupérer des matériaux. Le 22 mai dernier, lors de la destruction du quartier Talus 2, Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l’habitat insalubre au sein de la préfecture, précisait que « quatre autres arrêtés préfectoraux avaient été déposés sur la commune de Dzaoudzi, en Petite-Terre et un autre à Bandrélé, au sud. » Le préfet de Mayotte assurait, en parallèle, que « huit arrêtés supplémentaires devaient être pris d’ici quelques semaines, pour atteindre l’objectif de 1000 logements insalubres détruits. »
Les liaisons maritimes stoppées pendant près d’un mois
En matière de lutte contre l’immigration illégale, les chiffres annoncés sont également loin d’être atteints. Notamment parce que le gouvernement comorien a refusé que le ferry Maria Galanta – assurant les liaisons entre Mayotte et les Comores – accoste sur ses côtes avec des personnes en situation irrégulière pendant près d’un mois. Le 24 avril, Houmed Msaidie, le porte-parole du gouvernement comorien annonçait en effet que « les Comores (n’étaient) pas prêtes à accueillir les expulsés. » Les liaisons n’ont ensuite pu reprendre que le 17 mai, après de longues négociations avec l’État Français. Les deux premières traversées n’ont ensuite permis de reconduire qu’une vingtaine puis une quarantaine de personnes sans-papier sur l’île voisine.
La prison pleine à 230 %
Quant à la lutte contre la délinquance, la police nationale annonçait avoir réussi a interpellé les trois quarts des chefs de bande identifiés dans le grand Mamoudzou à la mi-mai. Pour autant, la prison de Majicavo, seul centre pénitentiaire de l’île, atteint un taux d’occupation de 230 % avec 620 détenus pour 278 places. Le secrétaire général FO pénitentiaire, Houmadi Mouhamadi, précise que la prison accueillait une à deux personnes par jour avant l’opération Wuambushu. « En ce moment, nous sommes passés à cinq entrées quotidiennes, ce n’est pas tenable », estime-t-il.
Pour les collectifs de citoyens mais également les députés de Mayotte ainsi que les habitants en faveur de l’opération, qui attendent des résultats avec impatience, l’arrivée du ministre de l’Intérieur est donc particulièrement attendue. « Il est logique qu’ils viennent voir ce qu’il a lancé. Nous sommes impatients de savoir ce qu’il va dire et de voir s’il va donner un signal beaucoup plus fort ou simplement faire le bilan de cette opération », indique Safina Soula, présidente du collectif de citoyens Mayotte 2018.