Cette nomination intervient dans un contexte judiciaire et social particulièrement tendu. Entre une insécurité galopante, une délinquance en hausse et les séquelles du cyclone Chido, Mayotte se retrouve à un tournant rapporte le Journal de Mayotte. Pour Françoise Toillon, magistrate aguerrie passée par Metz, Strasbourg et Colmar, la mission s’annonce d’autant plus délicate qu’elle prend la suite d’Albert Cantinol, figure marquante du parquet mahorais, parti en décembre dernier après trois années marquées par une intensification des affaires criminelles.
L’arrivée de Françoise Toillon à Mayotte ne relève pas du hasard. Grâce à un dispositif expérimental initié par l’ancien ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, elle a été affectée pour six mois au tribunal judiciaire de Mamoudzou en 2024. « C’était Cayenne ou Mamoudzou. J’ai choisi Mayotte », confiait-elle à l’époque, sans se douter que cette première immersion la conduirait à s’y installer plus durablement.
Son parcours parle pour elle. Magistrate depuis 2003, elle a choisi dès ses débuts de faire carrière au parquet, estimant que « porter la voix de la société » était une vocation. « On parle souvent d’accusation, mais le rôle du procureur ne se limite pas à cela. Il doit aussi savoir requérir un non-lieu ou une relaxe lorsque les faits l’exigent », souligne-t-elle.
À Mamoudzou, elle découvre une réalité judiciaire contrastée. « Le tribunal fonctionne comme ailleurs, mais le territoire, lui, est unique », explique-t-elle. Mayotte présente des spécificités notables, comme une cour d’assises composée de seulement trois jurés contre six en métropole, ou encore une justice contrainte d’adapter sa politique pénale à une criminalité très différente.
Parmi les dossiers qui l’attendent, Françoise Toillon sait que la délinquance juvénile constituera un enjeu central. Elle observe avec inquiétude le manque criant d’infrastructures adaptées à la prise en charge des mineurs délinquants. « Le centre éducatif renforcé n’est pas suffisant. Un centre éducatif fermé, encadré par des professionnels, voire par des militaires comme cela existe ailleurs, pourrait avoir sa place ici », estime-t-elle.
Elle s’inquiète également du taux élevé de crimes violents à Mayotte. « Le nombre de meurtres, de viols et de vols à main armée y est bien plus important qu’ailleurs en France », souligne-t-elle, tout en pointant un paradoxe : les plaintes pour violences conjugales et infractions sexuelles sont nettement moins nombreuses qu’en métropole. « Une partie de la criminalité demeure immergée. Des faits graves ne sont pas toujours signalés », regrette-t-elle.
Dans un département où les tensions sociales sont exacerbées, Françoise Toillon devra jongler entre fermeté et adaptation. « Appliquer la loi de la République, c’est une évidence. Mais juger, c’est aussi comprendre », insiste-t-elle, consciente des réalités culturelles et économiques qui façonnent Mayotte.
Après six mois d’expérience sur le territoire, elle dit revenir avec « enthousiasme et lucidité ». « J’ignorais tout de Mayotte avant d’y être envoyée, et finalement, j’ai été séduite », confie-t-elle. « Ce sera un poste exigeant, mais je sais à quoi m’attendre. »
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