Sur son exploitation d’un hectare et demi à Ouangani, Ahamada Foudi n’a jamais vu ça. Une terre poussiéreuse, une rivière à sec, une source qui peine à alimenter ses zébus et des bananiers qui souffrent. « S’il ne pleut pas, j’ai peur de perdre des animaux. Pour le moment, ils ont toujours de quoi boire mais parfois, leurs abreuvoirs sont complètement vides », situe l’homme de 73 ans, agriculteur depuis son plus jeune âge, qui a repris l’exploitation de son père.
Mayotte connaît en effet son pire épisode de sécheresse depuis 1997. Une situation, couplée à un manque d’infrastructures et d’investissements, qui oblige le territoire à priver ses habitants d’eau deux jours sur trois.
« 60 % des Mahorais font de l’agriculture »
Pour Ahamada Foudi, impossible, pour le moment, de planter des maniocs. Et cette saison se fera sans concombres, salades et autres tomates. Les syndicats d’éleveurs et d’agriculteurs craignent d’ailleurs une crise alimentaire sur l’île. « Nous redoutons la réduction drastique des denrées alimentaires produites sur notre territoire et exhortons les autorités à prendre des mesures pour sauver l’agriculture mahoraise », alerte le syndicat des jeunes agriculteurs de Mayotte, dans un communiqué, qui demande à l’État de déclarer la situation de calamité agricole pour l’année 2023. D’autant que, pour les Mahorais, les fruits et légumes cultivés au champ constituent souvent la base de l’alimentation. « 60 % des Mahorais font de l’agriculture. Même les fonctionnaires sont au champ le week-end. La plupart des gens ne cultivent pas pour vendre mais pour se nourrir », assure Ali Ambody, président du syndicat des éleveurs. A Mayotte, après le riz, la population consomme d’ailleurs principalement du manioc et des bananes.
« L’ampleur de cette sécheresse représente une menace grave pour la sécurité alimentaire »
Selon le président du syndicat, certains éleveurs auraient d’ailleurs déjà perdu des animaux. « Certains ne sont à proximité d’aucune source et doivent amener des bidons d’eau à leurs bêtes. Mais tous n’ont pas les moyens de le faire », précise-t-il. Pour obtenir de l’aide, Ali Ambody a adressé un courrier au président de la République et au ministère de l’Agriculture. « L’ampleur de cette sécheresse représente une menace grave pour la sécurité alimentaire de notre région, a-t-il insisté. Elle nécessite une intervention urgente afin de prévenir une détérioration encore plus grande. »