Quelques heures plus tard, des piles de chaises, tables et fournitures scolaires s’amoncelaient devant les mosquées, ramenées par des enfants envoyés discrètement par des adultes plus réticents rapporte Mayotte La 1ère.
« Qui t’a donné ça ? » crie un fidèle à l’un des jeunes déposant des sacs de fournitures avant de disparaître. « Les petits font les allers-retours, pendant que les grands restent cachés », explique Anli Daoud, fidèle à la mosquée Mahabourini. La scène s’est répétée toute la matinée, les enfants arrivant chargés de cahiers, stylos et même de matériel informatique subtilisé dans les établissements scolaires de Kawéni.
Si le geste apaise partiellement la colère des habitants, l’agacement demeure. « Plutôt que de déposer ici, ils auraient dû ramener ça directement aux écoles« , peste une riveraine, encombrée par le matériel entassé sur le trottoir. « Ils volent tout ce qui traîne. Moi, on m’a pris mes chèvres, j’espère qu’ils reviendront aussi », lance-t-elle avec amertume.
Derrière cette vague de restitution se cache une réalité plus crue : « Ils n’avaient plus de meubles, alors ils ont pris ce qu’ils pouvaient », admet un adolescent qui aide à transporter les fournitures récupérées. « Un ordinateur qui traîne, ça fait envie », poursuit-il.
L’initiative, lancée par les imams de Kawéni, semble avoir touché là où les menaces de la justice échouaient. « Les gens ont eu peur d’être maudits », explique Ahamedi Abou-bakri, imam de la mosquée du vendredi. « Ils ont compris que ça ne leur porterait pas chance. »
Mais la restitution n’est qu’un début. À la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) de Kawéni, où les fournitures sont entreposées, Nourainya Loutoufi, adjointe à la mairie de Mamoudzou, fait le point : « Les tables et chaises peuvent être récupérées, mais beaucoup de matériel pédagogique est fichu. » L’élue s’inquiète désormais pour la sécurité du stock. « On va renforcer la surveillance pour éviter que la MJC soit pillée à son tour. »
L’opération a eu un autre effet inattendu : la formation spontanée d’un comité d’habitants pour lutter contre la délinquance. Excédés, les riverains ont organisé une marche blanche le matin même. « On veut des solutions concrètes », explique Said Ahmed, membre du comité. « Désormais, si quelqu’un du village fait des conneries, ce sera la population qui le jugera. On transmettra ça aux autorités. »