Derrière le stade de Cavani, les abris de fortune fleurissent. Des cases, faites de planches en tôle, sont recouvertes de bâches pour se protéger de la pluie. Ici, ni eau courante, ni électricité. Les 270 personnes qui s’y réfugient ont accès à une fontaine publique deux jours par semaine, lorsque l’eau revient, en dehors des coupures de 54 heures. « Ici, on n’a pas de quoi faire de réserves. Quand le robinet est coupé, on est obligé de boire l’eau de la rivière. Mais elle pue et elle fait des boutons », confie Kazadi *, au milieu de l’allée poussiéreuse, qui dessert les abris du campement. Le jeune homme de 25 ans est arrivé du Congo il y a deux mois, après avoir subi des menaces. Mais ici, « c’est encore pire que chez moi », confie le jeune homme arrivé seul en kwassa, depuis la Tanzanie, après un arrêt de quelques jours aux Comores. Dès son arrivée, toutes ses affaires précieuses ont été volées. « Je me suis fait agresser par une bande de délinquants », raconte-t-il.
450 places pour 3 600 dossiers
Autour du stade, les réfugiés originaires du Congo, du Rwanda, de Somalie ou du Burundi s’entassent. Ils sont désormais plus de 350 à dormir dans le campement ou dans la rue, devant les locaux de l’association Solidarité Mayotte, à quelques centaines de mètres. « En juillet dernier, ils étaient 280 », souligne Gilles Foucaud, directeur adjoint de l’association, qui accompagne et héberge les demandeurs d’asile et les bénéficiaires de la protection internationale. « Ils arrivent en flux continu. Fin octobre, ils étaient 75 au stade, aujourd’hui, ils sont 270 », constate-t-il. Impossible, donc, de loger tout le monde. L’association dispose de 450 places. « Pour environ 3600 dossiers », situe le directeur adjoint. Et les 50 places en hébergement d’urgence pour les primo-arrivants doivent être libérées dès que les personnes ont obtenu leur statut de demandeur d’asile. « Le dispositif n’a pas évolué au regard des flux. Tout est saturé. Nous ciblons en priorité les personnes les plus fragiles, les femmes isolées avec enfants mais, même ainsi, on ne peut pas loger tout le monde », regrette le directeur adjoint.
30 € par mois pour se nourrir
Kazadi n’a, ici, même pas la chance de dormir sous un abri. Alors qu’il était en train de construire une case en tôle, une dizaine de policiers municipaux et autant d’agents de la mairie de Mamoudzou, cagoulés, sont venus « en situation de flagrance », détruire une dizaine d’abris, fin novembre. « Ils nous ont menacé de raser tout le campement si on essayait de reconstruire », poursuit le jeune homme, qui n’a d’autre choix que de dormir à même la route, sur un matelas déchiqueté, face aux locaux de Solidarité Mayotte, comme une petite centaine d’autres réfugiés.
D’autant que Mayotte est « sous un régime dérogatoire », indique Gilles Foucaud. Alors que les demandeurs d’asile qui arrivent en métropole, ont le droit à une aide de 400 € par mois, versée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), à Mayotte, le montant des « bons alimentaires », est versé par Solidarité Mayotte et plafonné à 30 € par mois. Avec moins d’1 € par jour, impossible donc de manger à sa faim, et encore moins d’acheter des bouteilles d’eau. « On met notre argent en commun et on mange une fois par jour, à la nuit tombée », raconte Kazadi.
Mardi 28 novembre, la direction territoriale de la police nationale interceptait à nouveau deux kwassas, en provenance des Comores, avec à leur bord, 63 passagers venus d’Afrique continentale. 52 Congolais, 8 Burundais, 2 Rwandais et un Ougandais, selon la police, qui précise que « les cinq pilotes, de nationalité comorienne, ont été placé en garde à vue pour aide à l’entrée et au séjour irrégulier. » Les 63 passagers font, quant à eux, « l’objet d’une procédure administrative. »
* Le prénom a été changé