Le virus ne circule pas seulement dans les chiffres : il s’enracine dans les vies précaires, dans les rues informelles, dans les zones où l’accès aux soins n’est jamais garanti rapporte le Journal de Mayotte.
Selon les associations et les professionnels de santé, l’île se retrouve aujourd’hui face à une situation critique. « La mobilisation doit être totale », alerte Moncef Mouhoudhoire, directeur de Nariké M’Sada. Les données racontent l’urgence : 98 nouveaux cas en 2024, déjà 70 à fin septembre 2025, et une projection annuelle qui grimpe encore. Mayotte dépasse désormais l’Île-de-France et se place juste derrière la Guyane.
Le virus frappe surtout les 25-49 ans, majoritairement par transmission hétérosexuelle. L’épidémie est alimentée à la fois par les flux migratoires — Comores, Madagascar, Seychelles — et par une circulation locale désormais installée. Mais les chiffres cachent une autre réalité : 30 % des diagnostics sont posés à un stade tardif, explique le Dr Mohamadou Niang du Centre hospitalier de Mayotte, « ce qui complique tout : les traitements, les complications, la prise en charge ».
Dans les quartiers informels, la situation est encore plus tendue. Le dépistage mobile se heurte à un mur : la peur des contrôles policiers fait fuir les habitants, notamment les personnes en situation irrégulière. « Nous ne pouvons plus entrer dans certains quartiers », regrette Moncef. L’un des camions de dépistage a même été détruit lors du cyclone Chido, symbolisant les obstacles imprévisibles auxquels les équipes font face.
Malgré ces difficultés, les efforts persistent : 565 dépistages réalisés hors centres, plus de 200 000 tests effectués depuis l’ouverture du laboratoire gratuit, et l’arrivée de nouveaux outils comme la PrEP injectable au lénacapavir, encore peu accessible mais prometteuse.
Le CeGIDD, de son côté, tourne à plein régime avec des moyens dérisoires : un seul médecin, pas d’infirmier pendant huit mois, 4 430 consultations effectuées en 2025, des milliers d’examens biologiques, et des diagnostics d’IST en hausse — chlamydiae, gonocoques, syphilis, hépatites B. « Nous dépistons plus que tous les autres réunis », martèle le Dr Alain Prual, soulignant l’écart béant entre besoins et ressources.
L’impact social du virus, lui, se lit à travers les témoignages. Patients qui évitent les centres par peur d’être vus, jeunes exposés faute d’information, personnes qui quittent l’île pour être soignées ailleurs afin d’échapper à la stigmatisation. Parfois, les conditions de vie rendent même les traitements intenables. « Les médicaments ne font pas bon ménage avec un ventre vide », résume crûment Moncef. À Mayotte, les ordonnances se heurtent souvent à la faim.
Face à cette réalité, les priorités pour 2026 sont claires : intensifier le dépistage, renforcer l’accompagnement social, sécuriser les interventions dans les quartiers précaires et coordonner enfin les actions entre associations, ARS, CSSM, PMI, CHM et laboratoires.



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